Notre goût de l’aventure, notre désir de valoriser les espèces endémiques et notre détermination à continuer de planter le plus d’arbres possible nous ont poussé sur la piste du café. Nous avons déniché dans le sud de l’île la perle rare des ingénieurs agronomes, spécialisé dans les cafés sauvages. Il a sélectionné une espèce qui pouvait s’adapter à une éventuelle rentabilité en agroforesterie dans notre contexte géographique. Nous avons créé avec lui notre propre variété d’arabica par hybridation, particulièrement qualitatif.
Il a ensuite fallu acheminer avec beaucoup de soins les jeunes et fragiles pousses de café. Cette étape fut très périlleuse sur nos pistes défoncées.
Ensuite, les repiquer avec délicatesse dans des pépinières à la mi-ombre dans un terreau spécifique.
Enfin, les planter en pleine terre, en prenant le soin d’amender à l’avance nos trous de plantation selon des techniques éprouvées localement.
L’effort en main d’oeuvre a été colossal, sachant que nous préférons recourir au travail des hommes plutôt qu’utiliser des machines, qui de toute façon ne pourraient pas arriver jusqu’au Village. Une centaine de recrues supplémentaires sont venus du voisinage, une aubaine pour ces hommes et ces femmes.
Nous avons alterné les plants de café avec notamment des plants de moringa et stylosanthes, et entouré nos parcelles d’arbres d’ombrage et d’arbres coupe-vent, pour accompagner les jeunes arbustes jusqu’à ce qu’ils soient plus résistants.
Nous avons subi beaucoup de pertes les premières années en raison de la sécheresse et des cyclones, qui même s’ils sont beaucoup moins virulents que sur les côtes, sévissent surtout par la force des vents et des précipitations. Si celles-ci sont attendues avec anxiété chaque année, elles sont trop violentes pour être bénéfiques et ont tendance à faire ruisseler nos terres ferrigineuses.
Dans les débuts de ce projet, nous avions été aidés financièrement par un sponsor pour le nécessaire (hélas) et coûteux clôturage du terrain, ainsi que pour une partie des frais, en l’échange de quoi nous l’avons aidé mettre en place ses propres parcelles. Nous avons dû nous séparer de lui en 2019, malgré le risque économique encouru, car nos principes d’agroforesterie n’étaient pas à son goût.
En 2016, les arbres d’ombrage et les coupe-vent ont commencé à se montrer, annonçant la forêt tant désirée. Après le travail incessant et répétitif d’amendement biologique et d’arrosage, une première production de 500 kg de cerises (100 kg de café marchand) a été récoltée.
Ce dernier tournant nous a poussé à l’autonomisation systématique de chacune de nos autres unités de production agricole. Nous avions à cet effet déjà formé toutes les équipes à l’autogestion, et chacune dégage un certain bénéfice. (voir article un tiers un tiers un tiers)
Sur le même principe, nous avons confié les parcelles de jeunes plants aux familles, afin qu’elles puissent, selon le principe de métayage, y cultiver leur potager – selon les espèces dont nous disposons et que nous encourageons, et subvenir ainsi à leurs besoins tout en dégageant un bénéfice et en participant à l’effort de la communauté. Tout le monde avait déjà été formé à la permaculture.
stylosanthes moringa
et au sol c’est tout un nouvel écosystème qui se développe.
L’école dispose aussi de ses propres parcelles, de même que la maisonnée, comme cela était déjà le cas pour le riz ; en effet, si l’instruction prime toujours sur le travail agricole, celui-ci participe à la complétude de l’éducation et de la formation en permaculture. Les enfants sont fiers et heureux de collaborer, selon leurs possibilités. Nous sommes convaincus que dans le contexte de Madagascar, ces savoir-faire sont utiles toute la vie, quel que soit les choix d’orientation ultérieurs, et transmissibles à l’envi.
Le café porte la promesse de nous permettre d’être bientôt totalement autonomes financièrement. Actuellement nous dépendons encore des dons réguliers et ponctuels, de l’aide de nos partenaires et la retraite de Charles Mitsakis pour le fonctionnement de l’école et le soutien des études de nos jeunes. Nous espérons aussi pouvoir rétribuer un petit peu les propriétaires héritiers du terrain que nous utilisons.
En 2017, nous en étions à 65 000 caféiers !
La sécheresse reste une menace pour nos jeunes arbres…